Portrait

Gilles Perret, conservateur de musée

Né en 1964, marié et père de deux grandes filles, Gilles Perret est, depuis 1999 et à mi-temps, conservateur du Cabinet de numismatique au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel. A côté de cela, il est actif dans les arts du spectacle, comme administrateur de l’Ecole de théâtre et de comédie musicale de Pully et comme comédien.

(juillet 2018)

Depuis 2019, Gilles Perret est conservateur des monnaies et médailles au Musée d'art et d'histoire de Genève.

 

Quelles disciplines avez-vous étudiées et dans quelle université ?

L’histoire ancienne, l’archéologie classique et provinciale romaine, ainsi que le français, à l’Université de Lausanne.

Quand avez-vous commencé à vous intéresser aux sciences de l’Antiquité ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être archéologue (et c’était avant la sortie du premier Indiana Jones). A l’école, mon pire traumatisme a sûrement été qu’une enseignante d’histoire me dise un jour que je ne pourrais pas le devenir si je ne soignais pas davantage la manière dont je collais les images dans mon cahier… Heureusement, l’ordinateur personnel s’est développé avant le début de mes études et « couper-coller » se fait maintenant sans ciseaux ni colle !

Comment avez-vous vécu vos études, qu’est-ce qui vous a particulièrement plu ou fait plaisir ?

Ce qui m’a plu dans les sciences de l’Antiquité, c’est que nous étions une petite équipe de passionnée-s et que nos professeurs nous donnaient vraiment l’impression que notre science était en construction, que nous avions la chance de pouvoir y participer.
Etant le dernier d’une fratrie de grands voyageurs, je vivais les péripéties de mes aîné-e-s à travers les monnaies rapportées de leurs voyages. Alors, quand j’ai eu l’opportunité de suivre des cours de numismatique antique, je m’y suis précipité. La rigueur et l’enthousiasme de notre professeure m’ont très vite convaincu du potentiel de ce matériel particulier et de l’intérêt qu’il pouvait avoir, à la fois pour l’étude de la vie quotidienne et pour celle des relations entre le pouvoir et la population. Aussi en ai-je fait le sujet de mon travail de mémoire.

Pourriez-vous nous raconter brièvement votre cheminement professionnel après vos études ?

A cette époque où le chômage n’existait pas, la première chose qu’on entendait en faisant des études d’archéologie, c’est que nous n’allions pas trouver de travail. Et c’était vrai ! Pour mon mémoire, j’avais créé une banque de données et un programme informatique pour l’établissement et l’exploitation du catalogue. Cela m’a donné ensuite l’occasion de faire des mandats de développement pour plusieurs musées cantonaux vaudois qui commençaient la numérisation de leurs inventaires. Puis j’ai été engagé par une maison d’édition qui publiait principalement des guides de sciences naturelles. Grâce à ces expériences, j’ai ensuite eu la chance de pouvoir revenir au sujet de mes études en travaillant pour l’Inventaire des trouvailles monétaires suisses. Enfin, j’ai rapidement trouvé mon poste actuel à Neuchâtel.

Pourriez-vous nous décrire brièvement votre activité professionnelle actuelle, en mentionnant les aspects que vous appréciez en particulier ?

Ce que je préfère dans mon activité, ce sont les contacts humains. Sous cet aspect, le musée est riche de possibilités. Construire une relation de confiance avec les collectionneurs, étudier le matériel avec des spécialistes de disciplines très différentes, aller à la rencontre de publics très variés : tout cela demande d’adapter son discours à l’Autre, de se mettre à sa place et donc de beaucoup écouter.
Par ailleurs, le musée offre une grande diversité de travaux. Un jour, je suis dans une usine pour trier de l’outillage et sauver du patrimoine industriel. Le lendemain, pour préparer une grosse exposition, j’ai de passionnantes discussions avec des psychologues et des juristes spécialisés dans les jeux d’argent. Et la semaine suivante, avec des artistes, je tente de définir la nature profonde de la médaille pour finaliser le règlement d’un concours national.

Qu’est-ce que vos études vous ont apporté d’utile pour votre activité actuelle ?

Aller chercher l’information à sa source et sans doute le goût de l’original. Dans un monde ou Internet offre à tous un accès à la connaissance, le musée reste le lieu où l’on peut voir de vrais objets, en 3D, et sentir leur énergie propre. C’est mieux que de simples reproductions en pixels ! Outre les fouilles de terrain, où l’on plonge dans le passé, j’ai eu aussi, pour mon mémoire, un expert qui m’a appris à vraiment regarder les monnaies, à comprendre leurs défauts et à y lire leur histoire.

Quelles sont les connaissances et les capacités qui sont essentielles pour votre vie professionnelle actuelle et que vous avez acquises en dehors du contexte de vos études ?

La collection que je gère a assez peu de pièces antiques. Je suis devenu un spécialiste des monnaies du XVIIe siècle et de la médaille d’art contemporaine. Cela m’a mis en contact d’une part avec des économistes et d’autre part avec des fabricants, des écoles de gravure et des artistes. J’y ai acquis une meilleure connaissance des phénomènes monétaires et, surtout, des techniques de production. Aujourd’hui, je regarde une monnaie antique bien mieux parce que j’y lis d’autres choses : des prouesses ou des maladresses techniques ainsi que des politiques monétaires qui méconnaissent souvent les mécanismes macroéconomiques.
De mon passé d’éditeur, j’ai gardé une optique de service. J’essaie de faciliter la découverte d’un sujet par les visiteurs du musée, comme je tentais de simplifier l’utilisation des guides par les naturalistes.

Pour quelles raisons conseilleriez-vous à un-e gymnasien-ne de choisir des études dans le domaine des sciences de l’Antiquité ?

Comme parent, je ne crois pas trop aux conseils, mais à l’exemple. Mes filles ont fait du latin, peut-être pour faire comme leurs parents. Mais je pense qu’elles ont bien fait : la vie est sans doute plus facile et l’on se pose de bien meilleures questions quand on connaît celles qu’a formulées l’humanité avant nous. On ne peut pas idéaliser les civilisations grecques et romaines, mais la fréquentation des penseurs antiques nous montre que les vraies questions, celles qui sont universelles, existaient déjà et qu’elles émergeaient peut-être d’autant plus que la vie était moins trépidante.

Conservateur des monnaies et médailles au Musée d'art et d'histoire de Genève